Jolie et douce claque que l’histoire de Nino Paradis.
Nino Paradis ? Vraiment ? Les personnages qui croisent Nino n’y croient pas trop, non plus (« C’est qui ta mère ? Amélie Poulain ? »). De toute façon, en tentant d’entrer à la Légion, il laisse forcément ce nom derrière lui. C’est ce qu’il espère (ou croit espérer) mais la Légion le recale après le test d’urine : « Je vais le refaire devant vous, il faut voir ça, c’est du délire. Il a dix sur dix ce garçon, il sourit à la vie, positif partout ». Bref, il rentre chez lui, rentre se rouler un pétard dans un appart miteux qu’il sous-sous-loue bien illégalement.
Nino a dix-neuf ans. Il est venu à Paris en disant à son père qu’il se lançait dans les études mais il a pas fait long feu. Finalement, il vit comme il peut, parce qu’il veut pas trop contribuer à une société qu’il déteste : celle où on doit se lever le matin pour se faire arnaquer par un patron méprisant et rentrer chez soi le soir dépenser l’argent gagné dans des supermarchés qui nous arnaquent et enrichissent des patrons méprisants. La vie qu’il aime c’est celle de la nuit et comme il ne sait pas dire non il se retrouve souvent avec plein de trucs dans le nez et sous la langue.
Mais il y a autre chose. Il y a Lale. Quand on commence le livre on sait pas trop qu’elle est là, Nino évoque une fille mais sans plus. Pourtant, dès qu’il la retrouve, il est évident que la vie de Nino, c’est pas d’abhorrer le système, c’est pas d’oublier ses galères perpétuelles à coups de défonce : c’est Lale. Rien d’autre n’a de sens que Lale. Et la survie de Lale, qui n’en mène pas plus large que Nino pour tirer son épingle du jeu dans la capitale qui n’est pas clémente avec ceux qui peuvent pas payer le métro.
On fume en silence le gros pétard que je viens de rouler, et puis je te fais du Nino fanfaron parce que la vodka me presse les tempes, et qu’avec tes sourires j’ai le sang qui fait des huit. Je finis dans tes bras et des fois, j’ai peur que tu me quittes.
Tu passes ton doigt sur mon front, tu redescends et suis le nez, traverses mes lèvres jusqu’au bout de ma joue. Tu me caresses et j’ai chaud partout de sentir que tu m’aimes.
Et ils sont là, tous les deux, à garder des enfants, à travailler de nuit dans les supermarchés, à rouler des joints pour oublier les humiliations et nous on est là à vouloir absolument qu’ils s’en sortent comme si notre vie en dépendait. Capucine et Simon Johannin ont écrit à quatre mains – premier roman pour Capucine, Simon avait fait parler de lui déjà avec son Été des Charognes.
En donnant la parole à Nino, dont on suit le flot de pensées comme s’il se confiait à nous, ils nous présentent ceux dont on ne parle pas habituellement. Pas ceux qui ont tout perdu, pas ceux qui ont tout réussi, ceux qui sont juste là, en vie, dans la complexité et la chaleur de leur jeunesse et de leurs envies. Et c’est écrit de façon si juste et si sublime qu’on dirait presque que l’auteur de ce roman c’est en fait Nino lui-même. Nino, qui aurait une plume d’une vivacité sans pareil, animé par une passion qui le ferait parler comme personne, dont le regard percevrait naturellement le monde comme une immense poésie.
Merci Simon et Capucine et merci aux éditions Allia de nous confier l’histoire de Nino parce que du haut de ses vingt ans à peine soufflés, de ses grandes idées et aussi de son comportement de petit merdeux parfois (comme dirait son pote Malik), il nous bouleverse et nous apprend.
On laisse là le pétard et les dieux, les souvenirs et les plans pour la suite pour un drôle moment de joie en famille. Ma famille c’est toi, Malik et quelques autres.
Comme pour le reste j’ai tout voulu choisir, rien en dehors de mes propres impulsions.Rien d’en haut, je prends tout par les yeux, en face. Je regarde les tiens pendant que tu manges et je vois que ça brille, des lucioles et des strass sous une lumière de banquise, je me demande pourquoi moi si con choisi par toi si pure. Mystère de l’amour.