La Shoah et les camps comme vous ne les avez jamais lus.
Deux jumelles sont remarquées à la sortie du wagon par nul autre que Mengele, le médecin tristement célèbre qui mena des expérimentations cruelles sur certains déportés. Stasha et Pearl vont rejoindre son cheptel de cobayes, et ce qui s’apparente tout d’abord à un statut privilégié pour la taille des rations de nourriture, l’absence de travail et la relative protection face aux SS s’avère être un mal plus pervers encore que les camps de travail ou d’extermination.
Brisés de l’intérieur, les enfants du « Zoo » de Mengele sont la cible de tortures chirurgicales destinées à évaluer leur capacité à survivre sans certains de leurs organes ou de leurs sens, et pour le cas des nombreux jumeaux qu’il collectionne, l’un sans l’autre. La douleur physique est immense mais n’est pas aussi dévastatrice pour les deux jumelles que la souffrance de se voir séparée inexorablement de celle qui a toujours été son double…
Le roman échappe au dramatisme et à la froide description chirurgicale grâce au point de vue de ces deux enfants, aussi semblables physiquement que différentes dans leur caractère. L’une est tournée vers les arts, l’autre vers les sciences, l’une est réaliste, l’autre rêveuse, pleine d’imagination et de mensonges. Stasha et Pearl ne cesseront de s’interroger sur ce qui les lie et les différencie, ce qui les rassemble et ce qui finira, ou non, par les désunir. Une vraie odyssée, environnée de malheur mais souvent teintée de projets, de recherche et de vengeances, celle de ces deux petites qui refusent de se laisser faire et fomentent, s’organisent, se répartissent la vie.
Il n’y a aucun cliché dans leur vision du monde : curiosité ou résistance face aux horreurs, ressources inattendues de l’imagination, de la naïveté mais aussi une intuition remarquable, qu’aucun adulte n’aurai su écouter. Tantôt un courage et une ténacité hors du commun, tantôt des choix idiots, de la méfiance ou de la confiance en les adultes, parfois à raison, parfois à tord…
En bref, deux enfants qui se débattent dans un monde aux règles floues et changeantes, et doivent faire preuve d’adaptation à chaque minute. Deux petites filles courageuses, qui n’omettent rien dans leur discours et sont persuadées (ou se persuadent ?) qu’elles vont s’en sortir.
On est emportés par ce récit et l’attente qui devient insoutenable au fil des pages, tant Affinity K sait ménager ses effets et entretenir l’attention de son lecteur. C’est véritablement touchant de les voir s’agiter et s’organiser, porter leurs espoirs et leurs doutes. Vous aussi, vous pleurerez, espérerez, rirez, imaginerez aux côtés de Pearl et Stasha…