La véritable histoire (laissez-nous rêver, merci.) de l’amour d’une pieuvre pour un humain ! Pas n’importe quelle pieuvre, et pas n’importe quel humain : il s’agit du sujet d’étude et actrice principale des films du premier scientifique cinéaste, Jean Painlevé.
Fidèle à la réputation de l’immense intelligence des octopodes, Marie Berne campe une pieuvre attachante, très érudite et un peu imbue d’elle même, mais qui ne le serait pas avec autant de bras (d’autant plus aimants), une intelligence hors du commun, et un mode de vie aussi intrigant ? L’élégance de son vouvoiement fait d’elle une créature noble et altière, et se mélange étonnamment bien avec l’impression de se trouver en face d’une bonne copine qui se confie et nous livre ses pensées les plus intimes.
Jean Painlevé fait d’elle la vedette de ce que l’on n’appelle pas encore un documentaire, et le témoin silencieux (croit-il) de sa vie entière, installée dans un aquarium au milieu de la pièce. Son statut de compagne privilégiée, elle le revendique, et le texte très poétique est rempli de sa tendresse pour son hominidé. Tendresse mais aussi jalousie quand il lui prend d’aller voir une humaine de trop près : « l’accouplement hominien » est si répugnant…
Voir nos travers, nos limites et nos espoirs parfois un peu vains à travers les yeux d’un animal ne fait jamais de mal, et la pieuvre se fend de réflexions bien placées sur le genre humain et ses incohérences, tout en citant Montaigne, Lautréamont, Appolinaire…
Finalement, un hommage à un cinéaste peu connu, son parcours, ses désirs et ses démons, avec un point de vue complètement saugrenu au départ mais qui a le mérite de rendre cette biographie divertissante. L’auteur parle parfois par métaphores, souvent par images, mais sans jamais tomber dans le piège du snobisme ou de l’absurdité gratuite.
L’écriture est lyrique et déliée, et les mots coulent d’eux-mêmes dans ce texte entre roman, théâtre et poésie. Émouvante dans l’expression de la dévotion de la pieuvre pour son amoureux, ou dans le déclin, les passions, remords ou désirs de gloire de l’humain, cette lecture ne laissera personne indifférent.
1 commentaire
Cette histoire a l’air vraiment bien, surtout via le point de vue de la pieuvre. Je l’ajoute direct à ma WL 🙂