Je suis loin, mais alors très très loin d’être une experte en photo. C’est tout juste si j’arrive à faire quelque chose qui ne soit pas flou et ne me parlez pas de cadrage ou de composition, j’y vais au petit bonheur la chance. Par contre, une belle photo m’émeut, me touche et je perçois tout à fait la force que peut dégager une « bonne » photo.
Tout récemment, on a reçu deux livres de photo qui m’ont particulièrement touchés. Ils ont en commun de toucher à des thèmes forts et entrent en écho avec l’histoire récente. Ce sont deux projets assez différents, mais dans les deux ouvrages, le récit que construit le photographe à travers les images est absolument poignant.
Le premier vient de recevoir le prix Maison Blanche qui, chaque année, récompense des jeunes photographes. Adrien Selbert, le lauréat, s’est rendu à Srebrenica, en Bosnie, vingt ans après le terrible massacre de plusieurs milliers d’hommes. Là, il a photographié la jeunesse, ces garçons et filles qui ont l’age du génocide, qui tentent de se construire une vie, un avenir, dans un « après-guerre » dont personne ne sait quand il prendra fin. Ses photos sont prises de nuit et même si les stigmates de la guerre ne sont pas toujours visibles, cette nuit qui engloutit tout dit bien comment cette génération est prise entre un passé si sombre et un futur qui n’apparait pas encore clairement. Adrien Selbert pose aussi la question de savoir si ceux que l’on voit sur ses photos, dans des situations quotidienne, qui vivent comme ils le peuvent leurs jeunesse, sont ou non des victimes, s’ils se vivent ainsi…
Les photos de Srebrenica nuit à nuit sont envoutantes. Au premier regard, on voit une ville fantôme, des personnes seules, isolées et vulnérables, une génération perdue. Puis, en le feuilletant à nouveau, les sourires s’imposent, les échanges de regard, les téléphones portables dessinent une jeunesse (presque) comme les autres.
Dans le deuxième livre, il s’agit aussi de jeunesse, de poids du passé à renverser. Dans Génération Tahrir, Pauline Beugnies publie des photos prises sur le vif entre 2011 et 2015 en Égypte. Elle suit au plus près les évènements et les acteurs de la révolution qui a mis fin au régime de Moubarak. A travers son objectif, on voit l’incroyable énergie qui a mobilisé le pays et surtout sa jeunesse, mais aussi les joies et les peines de ce combat réprimé dans le sang. Son travail continue au fil des années et c’est surtout la déception et l’impuissance qui se dessine peu à peu. L’arrivée au pouvoir des frères musulmans, puis du maréchal Sissi avec la répression toujours plus forte de la liberté d’expression et de la contestation d’où qu’elle vienne, laissent un gout amer aux militants de tous bords que Pauline Beugnies a pu rencontrer. Car son livre est émaillé de portraits et témoignages, ainsi que des dessins de jeunes artistes égyptiens, qui rendent d’autant plus prégnantes l’espoir, la violence et la déception, mais aussi le souffle du changement, qui ne fait que commencer…
Ces deux livres sont publiés par la très belle maison marseillaise Le Bec en l’air, qui explore depuis 1999 la variété sans doute infinie d’accords entre la photographie et le récit, avec beaucoup de réussite!