Aujourd’hui, j’en ai ras le bol. Et encore, je reste poli. Ceux qui me connaissent verront en moi un de mes grands travers resurgir, cette incroyable propension à râler sur un sujet ou un autre ; et même si j’ai bien d’autres choses à faire, j’ai décidé de parler d’un problème que les libraires connaissent bien : le distributeur. Petite explication à travers quelques exemples de circonstance…
– Le groupe Vilo nous a envoyé un courrier ce matin pour nous informer que pour une dette de 5 euros et 24 cents, ils ont décidé de bloquer notre compte. Bloquer le compte d’un client, ça lui ôte la possibilité de commander des livres. Ce que moi j’ai envie de dire sur mon blog, c’est que cette société de distribution (qui au passage à une histoire assez compliquée , voir la vidéo sur Dailymotion, ou l’article sur Rue89), ferait bien de réfléchir avant des courriers automatiques aussi détestables. J’ai envie de leur dire que de mon côté, je ne les ai pas incriminé pour le retard de 3 mois dans le traitement de mes retours, et d’avoir crédité mon avoir avec plus 150 jours alors qu’il aurait du l’être en 60 jours. Certes, ce sont loin d’être les seuls à faire ce genre de pratiques, mais aujourd’hui, c’est eux qui prennent, c’est comme ça.
– Dans un autre genre, on va parler de la diffusion, parce que si sur le papier la différence entre diffuseur et distributeur est évidente, dans la pratique ce sont souvent les mêmes structures qui opèrent au sein de ces 2 fonctions. Exemple avec Interforum, qui est une société de diffusion/distribution, aux pratiques plus que douteuses : Nous recevons régulièrement des livres que nous n’avons pas commandé chez eux. Le dernier livre de Marc Lévy par exemple, que nous avons reçu par 5 exemplaires, alors que nous n’en voulions pas, et que nous n’avons JAMAIS commandé. Pire : nous avons reçu un coup de fil du seul représentant Interforum qui daigne passer chez nous, et voilà ce qu’il a dit : « Oui, salut ! Dis, je n’ai toujours pas reçu tes commandes pour les nouveautés du mois prochain ? ça fait plusieurs mois que tu ne commandes pas de nouveautés, et à force je ne vais plus pouvoir bloquer les offices forcés avec ma direction ». Véridique. On en est là, ils sont tellement outrageux qu’ils ne se rendent même plus compte qu’ils sont dans l’illégalité. Ou alors ils le savent, mais ils savent surtout que les libraires sont tellement occupés qu’ils ne prendront pas la peine de se plaindre de ça ; et au pire, ils se plaindront, mais leur plainte restera lettre morte…
Et puis j’ai décidé de vous montrer comment ils traitent les nouveautés chez Interforum, et donc comment ils traitent les auteurs qui les font croûter. Voilà ce que nous recevons tous les mois pour travailler les nouveautés (entendez par là, comment faire notre choix de livres à commander chez eux).
Ce document insipide, d’une trentaine de pages, qui ne comporte ni résumé, ni couverture, ni genre, ni statut (est-ce une nouveauté, une remise en vente, une réédition ?) ni même parfois le nom de l’auteur (!), est en général reçu en début de mois à la libraire, et doit être renvoyé au bout d’à peine une semaine, sous peine de ne pas voir ses quantités notées, et donc de ne pas recevoir les nouveautés le jour de leur sortie. Comment voulez-vous faire pour choisir là-dedans ??? Ce fonctionnement m’écœure jusqu’à la nausée, d’autant qu’ils sont de plus en plus nombreux à le pratiquer. Et encore, toujours d’après mon représentant, je devrais savoir me satisfaire de ça, puisqu’il n’a que ça à me proposer (ou alors un catalogue gigantesque d’opérations commerciales en tous genres…).
– Chez MDS, un autre distributeur, ou bien Hachette, les méthodes sont un peu différentes, même si tout aussi détestables. Là, pour les nouveautés, vous avez droit à un « book », qui vous présente les nouveautés, avec de splendides arguments de commercialisation, dont je vous épargne la teneur…
Et encore, je ne vous parle pas des problèmes de remise, de frais de port gigantesques, des coups de fil odieux des services de comptabilité, des problèmes de traitement de commande… A l’heure de la sortie de « En Amazonie » où les ignobles et dictatoriales méthodes d’Amazon sont mises au grand jour, je me disais qu’il était important de vous parler de ce maillon de la chaîne, qui asphyxie tous les autres…
Voilà, j’arrête de râler et je retourne à mon bilan comptable…
25 commentaires
Bon, ben Jean, ça c’est fait : ça va mieux en le disant…!
La Force !
octroyer :
Synonymes
accorder, allouer, attribuer, concéder, conférer, consentir, décerner, distribuer, donner, prêter.
Sinon, de tout cœur avec vous; bon courage.
Ah oui, je me suis trompé de verbe :). Merci de la correction !
Bravo pour ce coup de gueule ! d’avoir pris le temps ! oui, le grand public doit savoir ! j’ai renoncé à ouvrir ma librairie l’année dernière pour toutes ces raisons. Et je vous tire mon chapeau !
Je suis plus que navré que c’est à cause de ça que vous n’avez pas voulu ouvrir…
Et merci beaucoup pour les encouragements 🙂
… et ce sont ces mêmes diffuseurs/distributeurs qui font couler les petites maison d’édition.. Mais certains libraires ne travaillent pas avec des petites maison non diffusées… Bref !
Commandez chez-nous, votre envoi part le lendemain, on ne vous force pas à commander 😉 Nous gardons une taille humaine et nous aimons notre liberté.
C’est aussi pour cela que je vous ai contacté il y a plusieurs mois pour vous proposer cet album : « Encré dans mon coeur » Je pense que d’un point de vue géographique, vous vous trouvez au coeur du sujet 😉
http://www.editionsptitbaluchon.com/#!encr-dans-mon-coeur/cmm7
merci d’y jeter un oeil.
Bonne soirée
ps : votre post me conforte dans mon choix de liberté
Merci pour votre commentaire.
Comme je le disais par ailleurs, je ne souhaite pas mettre à l’opposé les petits éditeurs des grosses structures de diffusion. Chacun va d’un côté ou de l’autre du système par choix ou par nécessité.
Quant au fait que des libraires ne veuillent pas travailler avec vous, cela les regarde. Chaque libraire a ses propres raisons, bonnes ou mauvaises. La mauvaise étant de se cacher derrière le fait que la maison d’édition n’est pas diffusée. La bonne (ou mauvaise selon le point de vue) c’est parce qu’un choix éditorial a été fait.
Bonne soirée à vous aussi !
Je suis entièrement d’accord avec vous sur ce système de diffusion. Manque de clairvoyance, parfois même manque de travail…
Nous avons également fait le choix de ne pas utiliser ces entreprises. Nous envoyons nos livres nous-même.
Ce qui complique parfois un peu quand on a une petite structure, dans la mesure où nous pouvons rencontrer des refus quand on ne possède pas de diffuseur/distributeur.
Toutefois nous assumons nos choix, nous préférons avoir la certitude que l’envoi se fait dans de bonnes conditions, tant pour nous que pour la personne qui reçoit.
Je vous souhaite bonne chance !
Bonne soirée à vous
manque de clairvoyance et manque de travail, mais pas que ça. Je ne supporte plus le discours qui consiste à dire que tout système a ses torts et ses travers. Moi, mes torts et mes travers j’essaye de les éroder au fil du temps. Eux, il les ont aiguisé à un point que ça en est devenu un sport national 😉
Reflexion trés pertinente !
A l’image de votre blog 😉
https://www.interforum.fr/login_init.do
si ça c’est pas un site fait sur one & One à 5 euros ! C’est dire déja de la qualité de la boite !
Punaise, et si je te montre comment ça se passe à l’intérieur, tu vas pleurer ^^
Libraire dans le même secteur que vous, j’ai les mêmes représ… Ou non-représ selon les cas. Interfo, on voit bien que c’est compliqué pour ceux qui travaillent chez eux en ce moment…
Nous avons les mêmes soucis et faisons remonter à leur direction commerciale… Sans effet.
En tout cas, je plains les représentants en ce moment, ils sont entre le marteau et l’enclume, entre des libraires fragilisés, et des directions commerciales qui ne parlent pas la même langue que les libraires… Et il y en a un certain nombre avec qui nous avons noué des amitiés qui dépassent les portes de la librairie.
Bon courage !
Effectivement, le problème ne se pose pas souvent avec les représentants, même si y en a certains à qui ça ne ferait vraiment pas de mal de montrer un peu plus d’engagement, et qui devraient un peu moins se cacher derrière les « chiffres » et les conditions générales de vente. A leur crédit je dirais qu’ils protègent un peu leur derrière, j’imagine qu’ils ont peur de perdre leur poste à trop se mouiller derrière les libraires. Mais je préfère également me rappeler du bon souvenir avec d’autres représ, qui partagent pleinement notre galère. Bon courage à toi aussi !
A propos d’engagement, Anecdote de la semaine dernière : je me suis « disputée » avec un repré qui me présentait dans son book 2 pages BLANCHES et dont je refusais carrément de prendre le titre qu’il me citait, puisque la politique de la librairie sur les catalogues images, c’est « pas de visuel, pas de noté ». J’explique gentiment que j’en prends pas, parce que le coup du » on n’a pas reçu de visuel » on nous le faisait à répétitions, et qu’on commençait à trouver douteux que ça concerne souvent au final des projets pourris, à la maquette immonde. Et quand le repré est en fin de tournée et qu’il tourne depuis 2 mois, c’est quand même bizarre. Eh ben là, il m’a sorti la tirade du manque d’engagement des libraires, et que c’est scandaleux !
Bon, heureusement il y a tous les autres, ceux qui viennent, avec la passion, la culture et le sourire !
Bravo Jean pour cet article! Que c’est bien de parler de tout ça, de comment ça se passe réellement…
Je saute sur le « en Amazonie » dès que j’arrive à la librairie aujourd’hui!
Merci Jean pour cet éclairage …
Merci ! Merci pour ce coup de gueule !
Nous nous retrouvons également dans une situation complexe avec la SODIS pour des raisons plutôt obscures…
Allez-y Claire, exprimez-vous 🙂 Cet espace est là pour ça justement ! Je sais que je suis très loin d’être exhaustif dans mon billet. Je pourrais vous parler des heures de mes relations hyper tendues avec UD, les problèmes que nous avons eu avec Harmonia l’année dernière, etc etc…
Notre librairie existe depuis 1 an et demi. Il y a maintenant un mois, la SODIS nous a contacté afin de modifier notre compte. Depuis nous avons un encours réduit et si nous dépassons delui-ci des paiements de factures proforma…
En un an et demi, nous n’avions jamais eu de problèmes de paiement pourtant du jour au lendemain, nous voilà face au mur.
Oulaaa… Oui effectivement. Je vous conseillerais quand même de ne pas vous laisser faire, même si vous pouvez penser qu’il s’agit du pot de terre contre le pot de fer.
Appelez le service client, demandez à parler à Anita Wilmotte, et demandez-lui de vous indiquer noir sur blanc à quel endroit de leurs conditions générales de vente une telle procédure est indiquée. Dans le cas où ils ne pourront pas, leur poser l’injonction de débloquer immédiatement le compte, sous peine de plainte (Eh oui, la Loi s’applique à tout le monde).
Et puis un coup de fil au SLF, ça ne peut pas faire de mal pour essayer d’extirper tout ça (même si je suis très mesuré sur le poids du SLF dans le cadre de la gestion de conflit).
Ouais, éclairant, effrayant et à l’image de ces grands groupes qui résonnent en terme de rendement, de fric (putain 5 euros !! carnassier) et qui écrasent tout sur leur passage. Disons que le moyen de lutter, c’est de revenir à de l’humain, de se dire que faire du fric (beaucoup) n’est pas gage de qualité et d’espérer avoir un jour les moyens de se passer de leur service…Ouais je sais, c’est le pays des bisounours. En tout cas, je ne sais pas si ça compense les couleuvres mais vous pouvez être fiers de ce que vous faites, vous êtes des super libraires en or 🙂
Merci 🙂 ça fait toujours beaucoup de bien de lire ça. Pas par reconnaissance, ou par orgueil, mais par envie de bien faire, de montrer qu’en l’ouvrant un peu on peut avancer, ensemble… Je n’ai rien contre le fric en tant que tel, sauf quand c’est lui qui mène la danse. Là, ça coince, ça grince même.
Mais ne t’en fais pas, le pays des bisounours, il fait du bien 🙂 Parce que face à l’austérité, la rigueur, la récession, le chômage, les liquidations et les délocalisations, je préfère leur opposer l’envie, le bonheur simple du vivre ensemble, le partage, l’entraide, la créativité….
je sais que la librairie que j’ai longtemps fréquenté a fermé pour ce genre de raison il y a de ça… au moins 8 ans 🙁
même la Maison de la Presse la plus proche de chez moi (oui, j’habite en très rase campagne) a dû fermer il y a quelques mois pour des problèmes de fournisseur aussi 🙁
et je viens d’aller vérifier… « En Amazonie » est en vente sur le site incriminé, largesse d’esprit ? tout argent est bon à prendre ?
(ceci dit, je n’irai pas faire croire que je ne commande pas chez eux, pas pour des raisons de délai, juste de praticité, pas envie de parcourir 100 km pour trouver, peut-être, le livre que je cherche, mais autant que possible, je vais d’abord voir ailleurs, par exemple, je tente de prendre l’habitude de commander chez vous si je ne trouve pas en réel 😉 )
Bonjour Jean,
Je découvre ton article avec un peu de retard!! Merci pour ce coup de gueule, je ne peux qu’approuver ,c’est tellement vrai!! Je me bats au quotidien avec les distributeurs qui rognent peu à peu le peu que nous avons. Tu parles d’Interforum…Je suis toujours à 25% de remise et 30 jours d’échéance après 2 ans d’existence car j’ai arrêté l’office et comme vous j’ai reçu 10 Marc Levy et 10 Musso d’office, mais il fallait que je vois ça comme une faveur pour ne surtout pas rater leurs sorties!!
En tout cas, nous restons toujours aussi motivés et mes clients me donnent chaque jour l’envie de continuer!!
Bises à vous 2.
Hélène (librairie Mille Paresses, Carqueiranne)