Noires, perverses et profondément troublantes. Voila ce qu’on peut dire des histoires courtes de Tatsumi, un des grands maitres du manga. Révolutionnaires a l’époque, ce sont aujourd’hui des classiques a découvrir absolument!
Ses personnages sont des ouvriers, des prostituées, des étudiants. Tous sont pris dans le tourbillon de modernité qu’a connu le Japon dans les années 60 et 70. Sans repères, isolés, ils deviennent dans la jungle urbaine des proies ou des prédateurs. Pour mettre en scène la violence, l’aliénation et la turpitude qu’il veut dénoncer, Tatsumi construit des atmosphères singulières et inquiétantes, en utilisant la profondeur des ombres et les sons de la ville: trains, camions, usines… Aux dialogues ou aux scènes d’action trop longues, il préfère le jeux des silences et des regards, avec un découpage des séquences qui oblige le lecteur à deviner la psychologie des personnages et ainsi à rentrer dans le récit…
Au Japon, Tatsumi est celui qui a fait entrer le manga dans la bibliothèque des adultes et je vous conseille plus que vivement de vous plonger dans Une Vie dans les marges, son autobiographie (en BD bien sûr). Il y fait le récit passionnant de son apprentissage de mangaka et de son exploration des possibilités qu’offre la BD, tout ça dans le contexte du Japon de l’immédiate après guerre. C’est un bijou!