Ce livre-là, je ne l’ai pas vu venir, puisque c’est Mélanie qui avait travaillé les nouveautés avec la représentante des Belles Lettres (c’est la maison qui s’occupe de diffuser et de distribuer les bouquins de l’Association), et autant vous dire que la surprise a été de taille. Parce que c’est magnifique, d’autant que Baudoin & Troub’s ont ce talent indéfectible pour nous raconter l’indicible, ce petit rien qui fait tout et qu’on a tendance à oublier…
C’est un carnet de voyage, à quatre mains, qu’ils ont réalisé au Mexique, dans la région de Ciudad Juarez, entre octobre et novembre 2010. Ciudad Juarez est tristement affublée d’une caractéristique particulière, celle d’être une des villes les plus dangereuses au monde. Au-delà d’un constat alarmant, glauque et sanguinaire, Baudoin a souhaité embarquer Troub’s dans sa quête, faire un livre sur la vie dans une ville où l’on meurt… Pour cela, ils décident d’aller de rencontres en rencontres auprès des gens qui y vivent, de leur poser une question, toujours la même : « Quel est votre rêve ? », et de dresser leur portrait. Et j’imagine à quel point ça a du être dur de faire tout ça, de questionner, de se questionner sur ce qu’on est en train de faire.
Et qu’est-ce que c’est beau… On sent les glandes lacrymales se gonfler assez souvent, parce qu’on voit à quel point la vie est importante là-bas, malgré l’indescriptible, l’incompréhensible, l’épouvantable du quotidien. A titre personnel, ça m’a fait un bien fou de me replonger dans cette immense humanité du peuple mexicain, un peuple magnifique…
« C’est une des filles d’Alberto, elle a seize ans. C’est une épreuve de dessiner un enfant. Il n’y a aucune retenue chez eux. Ils ont dans ce regard encore du questionnement des nouveaux-nés. Ils cherchent quelque chose dans mes yeux d’homme vieux. Et je ne suis pas sur, jamais, d’être à la hauteur de ce genre de chose. Alors, mon pinceau pèse des tonnes. »
Viva la vida – Los sueños de Ciudad Juarez – Baudoin & Troub’s
L’association – Collection Ciboulette – 18 euros
Préface de Paco Ignacio Taibo II
2 commentaires
oh! Est-il besoin de dire que ce post me touche particulièrement? Evidemment ce livre est présent ici. Le projet est très fort. Les gens de Ciudad Juarez sont finalement assez isolés, on essaie de ne pas y penser, c’est tellement insupportable. Les auteurs ont fait beaucoup de séances à México, de signatures, mais surtout d’explication de ce qu’ils avaient vécu. Le livre est très « curatif » (parlè-je encore français??). Je crois qu’il n’y a que l’art, le geste créateur et le dialogue qui puissent nous sortir de l’horreur et de la violence. Merci.
Coucou Agnès 🙂
Merci pour toutes ces précisions, qui en apprennent davantage sur le livre et sur le projet de Baudoin. Quand on était là-bas (et encore c’est le sud de Baja, et comme tu le dis, c’est hyper américanisé), on a bien senti que c’est LE truc dont on ne peut pas parler (un peu comme Hiroshima et les yakuzas au japon, encore aujourd’hui). Et pourtant, il faut en parler, encore et encore, pour faire sortir l’horreur de la banalité quotidienne, pour réussir à la faire disparaitre, comme on peut. Je suis par contre un peu plus nuancé que toi concernant l’art et la création comme seul moyen de sortir de tout ça. Je crois profondément au pouvoir de l’humain, en la sagesse de l’homme, et reste persuadé que, même si tous les jours apportent leurs lots d’atrocités, de mauvaises nouvelles, ou de simples coups du sort, on sortira vivant. Et la seule perspective de la vie permet d’oublier tout ça…
Enfin, c’est ce que je me dis, mais peut-être que je me trompe 🙂