Je me souviens, nous n’avions pas trente ans, nous étions amoureux et ambitieux, inconscients peut-être même un peu quand cette idée a surgit.
Je me rappelle les rendez-vous avec le « mentor » des libraires jeunesse, à Avignon, au fond de cette librairie au berçant nom de « l’Eau Vive ». Nos entretiens, nos regards, notre volonté d’avancer dans le projet jusqu’au moment de la remise des clefs et malgré les réticences de certains.
Le local avec ses majestueuses vitrines, notre caverne d’Ali Baba de 50 m2 (souvenez-vous) et puis au bout de 3 ans déménager pour une soupière bien plus spacieuse. Le chef se souvient encore de ses premiers clients, ces premiers instants « Et comment va-t-on faire ? »; nous n’étions pas commerçants. Et se rendre compte que commerçant et libraire sont deux métiers bien différents.
Je n’oublierai jamais ces tourtereaux venus s’installer à Hyères, qui, quelques années plus tard débarquent avec un bout de chou, puis deux, devenues deux adorables jeunes filles. Les voir débarquer à la librairie me rappellera systématiquement que la soupe grandit elle aussi…
Je revois ce couple de septuagénaires main dans la main, devant la librairie, tournant la manivelle, se regarder tendrement, coquinement , yeux dansant sur « la vie en rose » d’Edith Piaf. Et aussi ce baiser riadesque (encore un mot inventé – je sais ^^. Celles et ceux qui connaissent « La vie secrète des jeunes » de Riad Sattouf comprendront) devant la librairie, ce livre de Christian Voltz qui a aidé une petite fille (devenue bien grande aujourd’hui) suite à un décès, jusqu’à soigner son eczéma. La personne qui nous a fait signé un autographe sur une carte postale; nous étions des stars (hihi)
Défilent sous nos yeux, dans nos têtes des tas de souvenirs si bien qu’il me faudrait une vie pour vous les décrire ! Les ateliers avec Benjamin Chaud, Magali Le Huche, Delphine Durand & Bruno Salamone… Les séances dédicaces pas toujours fluctuantes et celles, incroyablementesque de Rebecca Dautremer, David B… Les expos toutes plus belles les unes que les autres je pense notamment à celles de Julia Wauters, Dorothée de Monfreid, Evelyne Mary, Cécile Gambini (et tant d’autres en fait ^^) !!! Les concerts magiques dans le jardin de la soupe : David Sire, Super Sauvage, Françoiz Breut,…
Les rencontres de dingues qu’on a faites: François Morel on t’aime ! L’humoriste et intelligente Nicole Ferroni; nos pensées les plus douces pour Cabu.
Et puis avoir en tête aussi des moments difficiles comme l’annonce des attentats de Charlie Hebdo, qui résonne encore, nous qui avions partagé la soupe (au premier sens du terme) et ses craintes avec Cabu ; l’appel du banquier nous annonçant que la librairie creusait ses dettes; que ça ne pouvait plus durer, la maladie étant déjà passée par là… Ranger sa fierté et lancer un financement participatif.
Rebondir. Je crois que c’est le mot qui défini au mieux notre duo avec Jean… Nous nous sommes battus pour notre soupe, avoir une librairie est un acte politique ! Vous aussi, souvenez-vous ces moments fous-dingues dans le spatial jardin, vous qui avez été incroyables, avez réussi à sauver votre librairie ! Théâtre, concerts, gâteaux, jeux et autres tipis, lecteurs parsemés tels des croûtons dans la soupe. Tellement de monde pour soutenir la librairie qu’on se serait cru au stade Vélodrome (ok, vous n’êtes pas sans savoir que j’habite depuis quelques mois à Marseille…. La sardine, tout ça, tout ça….)
Et puis la vie est pleine de surprises ! 11 ans pour la librairie, 16 pour notre couple. Quel beau parcours on a vécu, quelle chance je dirais même. J’ai dû partir et laisser le courageux chef de soupe continuer. La vendre.
Demain (façon de parler) la soupe de l’espace sera toujours, mais aux fourneaux ça ne sera plus MeléJean (nous avons besoin à présent de séparer nos chemins) et qui sait ce que l’avenir nous réserve…
Merci pour les sourires et yeux pétillants que vous nous avez offerts, les moments de partage, de rire; merci à nos croûtons croustillants qui nous ont accompagnés dans cette aventure, aux éditeurs et amitiés créées (on se recroisera nous en sommes certains), aux auteurs.trices, aux illustrateur.trices qui m’ont fait couler des larmes de bonheurs parfois et palpiter mon ti coeur; merci aux apéros citoyens et leurs échanges surprenants; merci à cette chaine du livre, la loi Lang, la liberté d’expression. Parsemez des graines tant que possible, la vie est belle, si belle quand on la vit avec les autres.
Vive la littérature jeunesse, vive la vie. Longue vie à la Soupe.