Je referme ce livre le vague à l’âme.
J’ai aimé parcourir les rues new-yorkaises bras-dessus bras-dessous entre ces deux femmes.
Une mère, une fille. Le temps a passé…
Un voyage dans leurs souvenirs, dans les années 40-60.
Au départ, une vie, entourée de femmes, qui grouille dans l’immeuble qu’elles occupent. Les hommes au travail et ces femmes toutes plus belles les unes que les autres, vivant, chantonnant, cuisinant et se racontant leurs histoires. La mère, communiste et juive, gère petits tracas et autres gros problèmes des voisines avec une grande d’honnêteté et fort caractère; ça force au respect, on se dit : « Mazette quelle femme ! ». D’ailleurs on imagine très bien notre narratrice, sa fille, les yeux toujours scintillants, fière et le sourire béa face à l’engagement de sa mère.
Ensuite il y a la mort du père.
Une adolescence gorgée de larmes et le bruit d’une horloge qu’on pourrait imaginer ! Sans parler des disputes, des colères, des jalousies. Son mari est mort, l’amour n’est plus. Cette attachement qui l’unissait à son mari, peu à peu grignote…
Et puis il y a cette femme, Nettie (pour ne citer qu’elle) qui ouvre la porte à tant d’hommes et avec qui il est bon de parler quand on approche de l’âge adulte…
Ses histoires d’amour étaient bien plus intéressantes. Là, elle ajoutait moult détails. « Ce serait tellement merveilleux si je descendais du tram, que je glissais et me tordais la cheville. Là, on emmènerait à l’hôpital et le médecin qui viendrait m’ausculter serait beau et grand, doux et gentil, il se mettrait à me dévorer du regard, moi aussi je le fixerais, on ne pourrait plus tourner la tête, comme si on allait se regarder comme ça pour toujours, on craindrait de baisser les yeux même un instant, et il me dirait : « Je t’attends depuis toujours, veux-tu m’épouser ? » et je répondrais : « Mais tu es médecin, tu as fais des études, moi je suis pauvre et sans éducation, tu auras honte de moi » , et il dirait alors : « Je dois t’avoir à mes côtés,
la vie ne vaut pas la peine d’être vécue sans toi », et à partir de là, on vivrait ensemble. »
Parfois au bout d’une heure ou presque, elle me dirait :
« Maintenant, à toi de dire ce que tu voudrais » Et je disais : « ce serait tellement merveilleux s’il y avait une inondation, une épidémie ou une révolution, et même si je ne suis encore qu’une petite fille, qu’on vienne me chercher en me disant : « Tu parles si bien, tu dois t’adresser au peuple pour l’aider à sortir de ce désastre ». Je ne rêvais jamais ni d’amour ni d’argent. Je me rêvais toujours en train de faire de beaux discours qui redonnaient courage à mille personnes et les poussaient à prendre leur destin en main.
Les relations des unes aux autres, ces liens des uns aux autres. Et celui qui attache notre narratrice à sa mère avec autant d’amour que de haine, avec force et diabolisme.
Un récit (oui c’est bien l’histoire de l’auteure !) fort, universel, féroce, d’un amour infini.