Tout à tour profond & tendre, léger & grave, farouchement empreint de liberté, le premier roman de Maryam Madjidi est lumineux, honnête et beau. C’est un magnifique roman qui fait du bien, même si parfois c’est pas franchement sympa ce qu’il s’y passe. Et c’est quoi qui s’y passe vous allez me demander ?
C’est une histoire d’aujourd’hui, c’est un conte, une fable moderne et tragique, un journal intime qui retrace les événements marquants de la vie d’une enfant, d’une petite fille, d’une jeune femme.
Tout démarre dans le ventre de la mère, en pleine révolution iranienne. ça raconte un exil, c’est donc évidemment plus que d’actualité. L’histoire d’une famille qui quitte ses racines pour rallier un pays libre. ça n’est évidemment pas aussi simple, car les racines c’est aussi tout le poids de l’héritage, de ce que l’on transporte, que l’on transmet, volontairement et malgré nous.
Maryam nous raconte tous ces petits et immenses moments de sa jeune existence, des souvenirs terribles et fondateurs, des instants de grâce, le tout avec une justesse et une tendresse infinie, sans jamais se départir d’un humour particulièrement mordant et malicieux. Elle nous montre toute la sensualité de sa langue et de sa culture, nous fait rire aux éclats et n’a pas son pareil pour nous émouvoir et nous emporter loin là-bas…
Extrait :
Nous marchons tous les trois dans la rue. Je suis assise sur les épaules de mon père, j’ai à peine un an. Un couple et son enfant qui se promènent. Rien de plus banal. A côté de mes couches, dans ma grenouillère, des comptes rendus de réunions du parti d’opposition pour lesquels mes parents militent. Mes parents doivent apporter ces documents à une autre antenne située plus loin dans la ville. Mon père avait eu la brillante idée d’enrouler ces documents dans du plastique et de les glisser à côté de mes couches. Il était sûr que la milice n’allait pas exiger de fouiller un bébé. En effet, l’idée était si ingénieuse qu’on me prêtait à d’autres camarades qui devaient accomplir la même mission : transmettre d’autres comptes rendus à d’autres antennes. J’étais devenue l’enfant du Parti, au grand désespoir de ma grand-mère qui s’arrachait les cheveux en voyant qu’on prêtait sa petite fille comme une chose et qu’on l’utilisait au service de la politique.
Marx et la poupée fait partie de ces livres merveilleux et rares. Ceux qui comptent et dont on se souvient longtemps. Ceux pour lesquels on se surprend à être particulièrement ému, et qu’on a envie de recommander à plein de gens, pour leur montrer la beauté du monde, dans ses merveilleuses différences.
A paraître le 12 janvier 2017 au Nouvel Attila